Le château actuel est en partie mutilé. Il comprend aujourd’hui un corps de logis tronqué accolé à un pavillon quadrangulaire flanqué d’une tourelle ronde. L’ensemble remonte peut être au 16ème siècle car construit en brique et pierre. Il serait antérieur à celui de FRIVILLE.
On peut penser que c’est Françoise d’AILLY et son époux Etienne de ROUSSE qui fit construire le château.
Celui-ci resta occupé par la famille de MONTMIGNON, seigneurs d’ESCARBOTIN jusqu’à la Révolution Française. Le dernier héritier Anne Michel Jean Baptiste de MONTMIGNON habitera AMIENS. Durant le règne de Napoléon 1er, la fabrication de cylindres cannelés prendra un essor considérable dans le Vimeu dont les précurseurs sont les RIVERY d’AMIENS. (voir notre article sur les serruriers au 19ème siècle). Ils s’installeront dans le château d’ESCARBOTIN qui offrait beaucoup d’espace en 1803.
Mais en 1808, Anne Michel de MONTMIGNON reloue le château aux frères MAQUENNEHEN aux conditions ci-dessous mentionnées par acte notarié en date du 14 février 1808 :
Pardevant Louis François Gabriel PIEFFORT notaire impérial à la résidence du Bourg d’AULT département de la Somme en présence de témoins
Fut présent Monsieur Anne Michel Jean Baptiste MONTMIGNON propriétaire demeurant à AMIENS rue ST Jacques.
Lequel a donné à titre de bail à loyer pour le temps et espace de 6 ou 9 années complètes et consécutives qui commenceront au 15 mars 1809 et finiront à pareille jour de la dernière desdites 6 ou 9 années.
Et au profit de Marie Anne VAREMBAULT, veuve de Jean François MAQUENNEHEN, Barnabé, Claude Armand, Elloy Vulfranc et François Manasse MAQUENNEHEN tous 4 enfants serruriers demeurant ensemble au village d’ESCARBOTIN commune de FRIVILLE acceptant pour eux tous.
Une maison avec les bâtiments, dépendances, cour, jardin et plant, le tout formant un seul enclos appartenant audit sieur MONTMIGNON situé audit ESCARBOTIN. Occupée maintenant par Louis et Casimir RIVERY père et fils qui a été affermée par ledit sieur MONTMIGNON par bail passé par Me CHEVALIER et son collègue à AMIENS le 1er floréal an 11.(21 avril 1803)
Le présent bail fait moyennant 1.200 Francs de loyer. Ils s’obligent
1° A payer toutes les impositions foncières et mobilières, portes et fenêtres, corvées, centimes additionnelles.
2° D’entretenir ladite maison. Couverture en ardoise, en tuiles et en paille.
3° De bien cultiver et amender le jardin en terres convenables, de faire faire par un jardinier à ce connaissant la taille de tous les arbres fruitiers et vignes tant en espalier qu’en contre espalier
4° De bien cultiver et amender également les plants d’arbres fruitiers et de faire fouir et amender le pied des arbres comme il est d’usage dans le pays.
5° De tenir le jardin et plant en bon état de clôture à peine d’être responsable de délits qui seraient commis dans lesdits jardins et plants.
Ledit bail est encore fait aux charges et conditions suivantes:
1° d’habiter par eux-mêmes ladite maison et toujours sans discontinuer, de la garnir de meubles suffisants, de tenir tous les appartements composant tout le corps de logis en bon état de propreté, d’empêcher qu’il y soit fait ou causé aucune dégradation ni détérioration.
2° de ne pouvoir employer aucun des appartements du corps de logis à l’usage de magasin de quelqu’espèce que ce soit, sauf la cuisine, le fournil et les petites chambres situées vis-à-vis ladite cuisine.
3° De souffrir que le bailleur ou ses gens d’affaires occupent momentanément lorsqu’ils iront à ESCARBOTIN la grande chambre au-dessus du salon et le cabinet en dépendant sans que pour raison de ladite occupation momentanée, les preneurs puissent prétendre à une diminution de leur loyer.
4° De ne pouvoir mettre en labour les plants qui sont à usage d’herbe sinon la partie qui est actuellement du côté du bois.
Les bâtiments de l’ancienne ferme depuis la porte de communication de la cour au cimetière…seront démolis par le bailleur.
Fait et passé à BELLOY en la maison de Madame Veuve MONTMIGNON le 14 février 1808 pardevant ledit notaire
Ce document nous apprend donc qu’il existait une ferme attenante au château dont l’état ne permettait plus une occupation puisque les frères MAQUENNEHEN s’obligent à la détruire.
En février 1815, Anne Michel Jean Baptiste de MONTMIGNON décède à son tour à AMIENS à l’âge de 34 ans. Sa veuve prend en charge la tutelle de leur fille Marie Anne Clémence, âgée de 12 ans environ.
Le 24 avril 1824 Marie Anne Clémence épouse Hugues Gabriel Louis GUYARD DE CHANGEY et Madame DUPUGET-MONTMIGNON, veuve de Anne Michel Jean Baptiste, qui a épousé en seconde noces en 1820 Jean Louis PAPIN DE KERFILLY s’empresse de vendre l’ensemble du mobilier présent dans le château d’ESCARBOTIN qu’elle n’habitait plus puisqu’elle résidait à PARIS.
Dès le 10 mai 1824 Madame Marie Anne Clémence de MONTMIGNON épouse DE CHANGEY vend aux enchères la terre et le château d’ESCARBOTIN dont elle hérite de son père.
L’ensemble des biens à ESCARBOTIN consiste en un château de bâtiment construit sur une superficie de 12 ha, enclos dont 5 ha en bois taillis, environ 5 ha en herbager et plantation d’arbres à fruits, le reste en construction, parc, cour et jardin.
A BOURSEVILLE, WOIGNARUE, BEAUMER et VAUDRICOURT, 13 pièces de terre contenant ensemble 8 ha environ
A ESCARBOTIN, 24 ha de terre à labourA BELLOY, un herbage et plantations d’arbres à fruits d’environ 30 ares
A ESCARBOTIN, un moulin à vent faisant farine, maison de meunier, bâtiments et cour, jardin, pâture et 81 ares de terres attachées à la location de ce moulin.
Lors de cette vente, quelques pièces de terre situées à ESCARBOTIN ont été vendues mais le château n’a pas trouvé preneur, ni les autres pièces de terre situées en dehors de la commune.
Le 26 août 1824, Madame DUPUGET, veuve MONTMIGNON, vend à l’encan tout le contenu du mobilier du château hormis les objets de valeur, car comme le voit plus bas seuls les objets courants ont fait l’objet de cette vente.
Il s’agit bien du mobilier présent dans les pièces de vie du château. On y trouve :
3 tables, 1 table à jouer, 9 fauteuils, 1 dormeuse et 2 fauteuils en rotin,
2 encoignures, 1 basset (meuble bas) 1 bibliothèque et 1 armoire, 2 bergères.
1 bois de lit, 2 matelas, 1 lit de plume et 1 traversin, 1 paravent et 2 bidets.
Parmi les bibelots : 1 pot et sa cuvette, 3 cafetières, 1 huillier, 2 lampes, 1 baromètre, 2 compotiers en verre, 2 tableaux, 1 jeu de loto
Quelques pièces de vêtements : 1 chapeau, 3 gilets, 2 ombrelles.
Le reste garnissait la cuisine ou les celliers. A noter que de nombreux objets étaient gardés issus de réparation ou en prévision d’autres travaux : des portes, des croisées, des persiennes, chassis, du bois de charpente, des soliveaux.
Des objets en vente servaient également au jardinage voire à la culture de céréales.
L’ensemble de la vente rapporta 318 Francs.
Le château sera finalement vendu en 1826 par Madame de CHANGEY aux locataires de celui-ci. C’est ainsi qu’un groupement de serruriers – dont les frères MAQUENNEHEN – rachètera ce bien : on dirait aujourd’hui qu’il s’agissait d’une «pépinière d’entreprises».
Le 30 mars 1826, est actée la vente de M. et Mme de CHANGEY aux principaux habitants d’ESCARBOTIN
Devant Achille Gratien HENNEVEU, notaire à la résidence du Bourg d’AULT, arrondissement d’ABBEVILLE,
Sont comparus Monsieur Hugues Gabriel Louis GUYARD DE CHANGEY, propriétaire, demeurant à CHANGEY, canton de NUITS (SAINT GEORGES) département de la côte d’Or, Madame Marie Anne Clémence de MONTMIGNON, son épouse, de lui autorisée, ce jour au château de BELLOY commune de FRIVILLE.
Au début du 20ème siècle le château a été transformé en école. Cela dura au moins jusqu’à la dernière guerre. Ensuite il fût le siège du Syndicat d’initiative du Vimeu. Actuellement ce bâtiment n’est plus utilisé, il fera l’objet d’une sérieuse rénovation dans les années futures…